©Kevin Jordan
En seulement deux titres, Todiefor a massivement squatté les radios belges. Son style c’est l’Electro, même s’il s’autorise des aventures plus urbaines. Son deuxième EP “Cool Kids” sent bon l’été et la pop sous influences diverses. Autant le dire clairement: que ça vous plaise ou non, vous n’avez pas fini de fredonner ses refrains.
Installé dans un improbable studio dans une vraie (petite) salle de cinéma au coeur de Bruxelles, Todiefor a l’insouciance de celui qui a déjà tracé son sillon à 24 ans à peine et la détermination de celui qui a arrêté les études secondaires pour se consacrer exclusivement à la musique (et devenir une star chez les Indiens).
©Guillaume Dubois
Tu bosses ta musique sur une estrade, un écran de cinéma derrière toi et des rangées de sièges vides devant toi. C’est plutôt incongru comme configuration…ça influence ton état d’esprit?
Artistiquement, pas vraiment. La force que j’avais dans les autres studios, c’est qu’on était plusieurs, on partageait. Mais en fait, pour la partie musicale, je préfère faire les trucs de mon côté, envoyer, avoir des feedbacks, retravailler solo. Comme tu vois ici, je suis tout le temps tout seul, il n’y a personne dans mon studio. En plus, c’est pratique dans la vie de tous les jours. C’est dans le centre… quand je veux regarder un film, je fais une pause, je branche Netflix et je choisis ma petite chaise. Ca c’est le rêve de ouf quand même (rires).
Les séries ou le cinéma, ça t’inspire aussi? Tu vas faire un remix de “Bella Ciao”?
Noooon putain ! C’est comme quand tout le monde faisait un remix de “Stranger Things.” Mais c’est marrant parce que c’est un remix qui m’a fait connaître en Belgique. “Tunak Tunak”, une vieille chanson indienne des années 90, qui est devenu un mème. On m’avait proposé d’en faire un remix et je ne sais plus pourquoi mais l’enjeu c’était de le faire en trois jours. Je l’ai fait en six heures et je m’étais dit bon c’est juste marrant. En fait, ça a explosé, surtout dans la communauté indienne en Angleterre. BBC Asie m’a appelé le lendemain de la sortie, on a fait une interview, c’est devenu l’anthem de la soirée BBC de l’année, c’était n’importe quoi. (rires) Ils voulaient me faire venir et tout. Anil Kapoor voulait même un truc dans le même genre et on a refait un morceau avec lui qui chante… En Belgique tout le monde s’en fout mais en Angleterre, si je vais dans la communauté indienne, les gens me reconnaissent je pense (rires).
Dans le refrain de “Cool Kids”, on peut entendre: “This is not a pop song”. Est-ce que tu te foutrais pas un peu de notre gueule?
Ah, c’est sarcastique, ouais. Mais je pense que dans la musique et la pop en Belgique, il y a de moins en moins de codes et de règles. J’ai l’impression que le hip-hop c’est devenu de la pop par exemple, même dans les structures ou le fait d’avoir un couplet très chanté. Ma musique est assez pop mais par rapport à d’autres artistes européens, je ne propose pas vraiment de la house ou de l’EDM. J’essaie à chaque fois d’apporter un petit truc, même si ça parlera peut-être moins à ceux qui écoutent uniquement la radio.
Mais tu passes souvent à la radio…
Oui, même en Flandre. Ça m’a étonné, je pensais que ça allait marcher en ligne, avec un clip et tout ça… mais étonnamment, je fais pas des vues de ouf. Les radios ont bien aimé mon single Beautiful et j’ai l’impression que dès qu’un de mes sons touche à sa fin, ils le remplacent par un de mes nouveaux. C’est ouf mais on dirait que j’ai un peu ma place…
Du coup, à force de l’entendre, la chanson en devient énervante. C’est ça, la définition d’un tube?
Ouais ah ah, de la musique entêtante, un gimmick… Mon but, c’est vraiment que quand les gens l’entendent, ils la gardent en tête. J’ai un test pour ça: le matin, je la joue à mon père et à ma mère. Si l’aprèm, ils arrivent encore à me la chanter, c’est que c’est bon. Et je le fais aussi avec la soeur de ma copine, qui a 5 ans. Je sais que si elle le retient, c’est bon. Il y a des trucs où pour moi, ça paraissait évident que ça allait marcher et en fait pas du tout.
Quand tu construis ton morceau, tu as déjà le chant dans la tête ou c’est le chanteur qui vient avec une proposition?
A de rares exceptions près, c’est toujours ensemble. On bosse les toplines, on se dit est-ce qu’on fait un truc comme ça, pas comme ça, est ce qu’on veut que la mélodie reste dans l’instrumental ou plutôt dans la voix… J’essaie de garder cette dynamique mise en place avec Helen sur le premier EP (“Beautiful”, ndlr). Travailler avec le chanteur et dire moi j’ai des idées, est-ce que tu veux que je les garde dans l’instru ou bien toi tu les chantes? On essaie de trouver un juste milieu.
Un album plus long et où tu chanterais-toi même les toplines, un peu comme le “Bisous” de Myth Syzer, ça te tenterait?
J’aurais plus pris l’exemple de DJ Khaled, qui le fait déjà. Mon manager me dit que je suis le DJ Khaled belge (rires). Pas seulement physiquement mais musicalement… que je pourrais mettre plein d’auto-tune et faire des petites toplines. Avant de rencontrer Helen, je me suis dit: est ce que je vais chanter? J’ai essayé, ça n’a pas marché (rires) Je crois que c’est parce qu’entendre tout le temps ma voix pour la travailler, ça m’a rendu fou. Et puis, c’est une force d’avoir des gens qui ont envie d’être sur ton son. Le fait d’avoir travaillé avec Caba & JJ, Anser & Mr. J. Medeiros… des rappeurs, des chanteurs, et plein d’artistes qui ne sont pas forcément dans mon domaine.
Bon, puisque tu parlais de ton physique, je suis obligé de te dire que mon rédac’ chef se demandait comment tu faisais pour être un DJ crédible quand on a juste envie de te faire un câlin et de t’ébouriffer les cheveux (je cite)?
(Rires) Il faut avoir l’air méchant sur Instagram et faire des photos où on fronce les sourcils.  Et je mets une caisse de 20 cm en-dessous de mes pieds pour avoir l’air grand et méchant… Non en vrai, je ne me prends pas la tête… quand les gens veulent des photos par exemple, même les filles ont parfois deux têtes de plus que moi.
Comment tu vois ton public d’ailleurs?
Assez jeune, entre 14 et 25 ans je dirais. Il y aussi des parents, paradoxalement. Qui travaillent et qui m’entendent à la radio. C’est très éclectique… j’ai même des gens plus assidus, qui s’y connaissent un peu plus musicalement, qui me suivaient déjà avant… c’est un vrai bordel.
Tu fais l’AB le 27 octobre prochain, comment tu appréhendes?
Stressé de ouf là pour l’instant. On va vraiment faire un truc unique, ça va être 100% live. Donc on aura un batteur, un guitariste, je jouerai aussi les synthés, il y aura des invités… on va vraiment tout ramener en live en un coup.
Tu tournes pas mal avec Roméo Elvis, comment ça se passe avec lui et sa team de blagueurs?
Je pense qu’on se ressemble vraiment beaucoup de ce côté-là. Quand je suis là, c’est nous deux contre le reste. A chaque date maintenant, il y a un des deux gars de la Straussphère qui le suit et le but du jeu c’est de prendre sa veste et la cacher dans la loge. A chaque fois, il pète des câbles. Mais ça va, il se défend.
Le fait d’avoir un entourage professionnel tourné vers le rap, ça a influencé ta musique actuelle?
Clairement. Déjà, sur “Cool Kids”, on voulait absolument avoir du rap. Au début, on pensait aller vers un truc anglophone mais finalement ça nous est paru comme une évidence. J’ai joué le morceau quand Caba et Jass étaient là, ils ont aimé et on s’est dit pourquoi pas le faire ensemble. Parfois, c’est juste des codes radio ou de label qui disent ouais mais c’est pas intelligent de mélanger le hip-hop avec autre chose. C’est beaucoup le cas en France encore. Seules les radios rap jouent du rap, seules les radios pop jouent de la pop. Ils nous disaient mais vous êtes malades… Par exemple, on nous a demandé une version sans le rap pour qu’une radio la joue. Ben non, on va pas le faire. Déjà mélanger le français et l’anglais c’est dur, mais mélanger de la pop et du rap…
Et du coup, tu préférerais faire un #CheckFood avec Caballero ou avec JeanJass?
(Rires) Avec les deux ! Je peux pas choisir, c’est une seule entité. C’est comme choisir entre papa et maman. Mais qui est papa qui est maman, ça je le dirais pas.
Comment tu vois l’évolution de cet EP par rapport au précédent?
Il est plus sexy je pense. Et cette fois, il mélange plusieurs chanteurs. C’est plus ensoleillé aussi mais ce n’était pas calculé… je produis tellement de trucs différents. C’est un vrai bordel de base et j’essaie quand même qu’il y ait une logique. Là, il y a tout un côté funky, disco… un côté plus hip-hop aussi. Tandis qu’avant, c’était plus future bass, synthés… et puis… qui sait ce que réserve l’avenir.
C’était plus hardcore avant…
Ouais, club, hardcore à fond. J’ai vraiment fait que ça pendant 4, 5 ans. Même si j’en écoute encore maintenant, ça m’a lassé parce que ce sont des musiques monotones, il n’y a pas d’accord, pas de travail de voix etc. C’est pour ça que j’ai commencé des trucs un peu plus travaillés musicalement, disons. Plus de mélodie, des voix, des recherches de son… parce que là, c’était le concours de celui qui allait le plus fort et le plus vite.
C’est d’autant plus bizarre qu’il paraît que tu n’es pas trop à l’aise en club
Je déteste aller en club. Déjà, je suis un peu gros donc j’ai vite chaud. Je n’aime pas trop me coller, même en centre commercial où il y a plein de gens, je déteste ça. Je suis un peu introverti de ce côté là, je n’aime pas forcément rencontrer des nouvelles personnes. Aller en club, c’est un mélange de tout ça, donc pfff. Je pense que je me forçais peut-être plus jeune, parce qu’il fallait le faire avec les potes. Puis, on y avait pris goût d’une certaine manière.
Parce que c’est quand même ça qui t’a donné envie de faire de la musique
Clairement. Je suis sorti assez jeune. Vers 14 ans, j’allais déjà au Fuse et au début, quand je voyais un DJ, je pigeais pas ce qu’il faisait. C’était vraiment: qu’est ce qu’il fait? Est-ce qu’il crée de la musique, est-ce qu’il touche à des trucs? Et ça m’a intéressé de plus en plus. Mais ce qui m’a vraiment forcé à faire de la musique, c’est une histoire un peu bizarre. J’étais un fan de World of Warcraft et pendant tout un week-end, les serveurs étaient bloqués. Ca m’avait rendu bien malade et pour patienter, j’ai trouvé un truc qui faisait de la musique de manière ludique. Et en fait c’était Fruity Loops, FL Studio, où t’as des petits carrés et tu peux placer des sons, un peu à la Tetris. Ca m’avait amusé mais je ne suis pas resté longtemps sur ce programme là, puis j’ai gardé l’habitude de faire de la musique pour me marrer.
Et le nom Todiefor date déjà de cette époque?
Ça date d’il y a longtemps, avant même que je fasse de la musique, je pense. A la base,  c’était des chiffres et des lettres. C’était 2D4 et j’avais essayé de faire des trucs dans ma tête, genre 2 c’est 4 divisé (D) par 2, 2 D pour le 4, 4D à l’envers, des trucs comme ça et je trouvais ça cool. Pas pour très longtemps (rires). Puis je me suis dit que c’était quand même pas ouf. Et en fait quand on le retranscrit oralement, ça fait todiefor. C’est aussi une expression en anglais difficile à traduire mais qui veut dire genre: à en mourir, ce truc là c’est un truc de ouf.
T’es au courant que si on s'enfonce dans Google quand on cherche ton nom, on tombe sur des recettes obscures de carrot cake par des mamans américaines?
Ouais. Alors il y a un site de bikini finlandais, il y a des trucs de bouffe tout le temps et un groupe de métal des années 90. Au début, c’était leurs têtes qui s’affichaient dans Google mais ça y est,  je les ai remplacés. Je les ai pétés.
Todiefor sera dans à peu près tous les festivals cet été et à l’Ancienne Belgique le 27 octobre. Comme tous les cool kids, il aime bien faire des stories et au milieu de tout ça, il prépare des feat’ de luxe avec tes rappeurs préférés.
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